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>La coopérative d’habitants a fait le choix en juin 2018 de transformer son ancienne piscine traditionnelle, chlorée, en un bassin naturel ; un choix qui correspondait bien mieux aux valeurs de Casalez. Cette transition a pu se faire grâce à plusieurs chantiers participatifs, où la cohésion et la volonté d’apprendre et de progresser ensemble dans une démarche écocitoyenne ont encore une fois montré leur force. Et leurs faiblesses… ! On revient sur cette transition avec vous.

Principe de fonctionnement du bassin naturel

Une fois la piscine vidée, il a fallu diviser la piscine en zones distinctes. Un bassin naturel comprend idéalement trois zones, entre lesquelles l’eau circule lentement grâce à une pompe et la gravité. Ces trois zones forment l’écosystème du bassin.

La zone d’épuration fonctionne de manière assez simple : l’eau passe dans un bac de pouzzolane[1]. Ce biotope (la pouzzolane, les plantes semi-aquatiques choisies avec soin et les organismes vivants présents dans ce mélange) va permettre l’absorption des impuretés de l’eau et donc sa purification.

Composition : pouzzolane, cyperus alternifolius, Typha latifolia, Lythrum salicaria, Irice

La zone d’oxygénation et de désinfection : elle représente les poumons du bassin. Sans celle-ci et sans la circulation d’eau constante qui la traverse, la filtration serait incomplète.  Cette zone contient elle aussi un lit de pouzzolane, immergé cette fois-ci, et accueille des plantes aquatiques qui vont naturellement oxygéner l’eau. L’eau ainsi exposée aux UV naturels achève le cycle de purification. Dans cette zone, nous avons introduit des poissons rouges, qui ont dû se trouver trop à l’étroit car ils ont rapidement fuguer vers la zone de baignade, où ils ont pu doubler de taille à leur aise. Les grenouilles, elles, se sont invitées rapidement et nous ont fait profiter de leur chants mélodieux tout l’été.

Composition : pouzzolane, Nénufar, Typha latifolia, cyperus alternifolius

La zone de baignade contient une eau limpide, pure sans aucune substance chimique. Des dépôts peuvent y être présents. Un nettoyage manuel y est nécessaire en plus du nettoyage via la bonde de fond et un skimmer qui envoie vers le circuit de filtration du local technique. Dans notre cas, ayant dû « sacrifier » le pédiluve des enfants pour en faire le bassin d’oxygénation, nous avons divisé la zone de baignade en deux et construit un deck sous-marin à 80 cm de profondeur, afin que les plus petits puissent continuer à profiter de leurs baignades en toute sécurité. Nous avons choisi du bois imputrescible et des lattes striées (une sur deux) afin de les rendre le moins glissantes possible.

Les filtres

Faire confiance à la nature pour créer l’écosystème parfait, c’est bien. Mais il fallait pour cela recréer une circulation d’eau, donc un système de pompe. C’est pourquoi un système de filtrage additionnel et une pompe ont été nécessaires, d’autant plus pour notre piscine qui est relativement profonde (volume d’eau à brasser important). 3 filtres ont donc été installé :

  • Un filtre mécanique poly-vortex : un excellent préfiltre qui a pour rôle d’alléger considérablement le travail du filtre biologique en retirant tous les déchets solides aussi volumineux soient-ils. La force centrifuge des différents tourbillons générés mécaniquement par ce filtre sépare et désagrège les particules de saleté. Parce qu’elles sont plus denses que l’eau, elles redescendent dans un réservoir de collecte, accélérant ainsi le phénomène de décantation. L’entretien et la maintenance du filtre sont minimes et le réservoir se vide facilement grâce à une vanne de nettoyage.
  • Un biofiltre qui fonctionne en synergie avec le filtre mécanique. Le biofiltre est un lit constitué d’un matériau filtrant auquel se fixe des micro-organismes. Ils y prolifèrent pour former une couche biologique qu’on nomme biofilm. Ce biofilm va accélérer la dégradation des micro-organismes en suspension dans l’eau : un processus similaire à un phénomène de digestion. Ce filtre nettoie aussi les résidus de taille plus importante avec un débit de passage plus lent ; mais comme le filtre mécanique a théoriquement déjà nettoyé les plus gros débris, le filtre bio n’est pas ralenti et peut garder un débit conséquent et constant.
  • Un filtre à UV fonctionne avec un éclairage permanent par une lampe néon accompagné de gaz, qui envoie des rayons ultraviolets dans des tuyaux transparents où l’eau circule. Le filtre à UV est confiné dans un coffre en acier inoxydable afin que les parois internes réfléchissent les UV avec une longueur d’onde précise. Cette longueur d’onde détruit les germes, bactéries et virus sans qu’aucun composant chimique ne soit nécessaire.

L’heure du bilan : les plus et les moins après un été d’usage

Une chose est certaine, notre enthousiasme et envie pressante de sauter dans cette belle eau verte n’a pas rendu service à notre bassin… Immédiatement après la mise en eau du bassin, les baigneurs se sont succédé pour trouver un peu de fraîcheur au milieu de ces chaudes journées d’été. Mais rapidement, nous avons vu apparaître des algues. Beaucoup d’algues. En fait, tant d’algues que notre pauvre petit robot nettoyeur ne pouvait plus lutter contre cette invasion. A plusieurs reprises, nous avons dû brosser énergiquement les parois et le deck pour décoller toutes les algues, arrêter la pompe, les laisser retomber au fond, puis passer le balai-aspirateur pour les enlever. Un processus fastidieux et surtout digne d’Atlas ou de Prométhée: une tâche sans fin, puisque les causes de la prolifération demeuraient.

On nous avait prévenu que l’équilibrage d’un bassin naturel et de son biotope tout neuf ne se faisait pas du jour au lendemain, mais là… L’eau restait douce et agréable, mais sa limpidité n’a plus rien à voir avec les belles images que l’on trouve sur Google quand on tape « piscine naturelle » et le deck sous-marin en bois était devenu une vraie patinoire, tant les algues s’étaient incrustées dans le bois.

Quotidiennement aussi, force était de constater une déperdition importante d’eau, nécessitant de re-remplir le bassin régulièrement. Nous avons rapidement soupçonner une fuite, mais comment savoir a quel niveau?

Alors, que s’est-il passé ? Retour sur nos bêtises…

  • La chaleur : oui. Il a fait chaud cet été, c’est indéniable. Lancer cette transition au plus chaud de l’été… ? Peut-être pas la meilleure idée…L’eau a rapidement flirté avec les 29 degrés, une température élevée qui favorise la prolifération des algues.
  • Trop de monde, trop vite : le jour-même de la mise en eau, nous avons « fêter » cette belle étape avec beaucoup d’enthousiasme. Tout comme les jours qui suivirent. Casalez a accueilli de nombreux enfants tout au long de l’été, grâce à une opération « parents solos » victime de son succès. En s’y baignant sans attendre, nous avons accumulé les agressions de cet écosystème naissant, qui s’est vite vu débordé dans ses capacités à traiter les déchets et bactéries.
  • L’usage des crèmes solaires que nous avons eu peine à contrôler a également constitué un agresseur important.
  • Un skimmer probablement trop petit pour le volume d’eau à brasser : erreur d’appréciation ?  Toujours est-il que notre skimmer et le diamètre des tuyaux préexistants se sont avérés nettement insuffisants pour créer la circulation d’eau nécessaire à sa filtration spontanée.
  • Une fuite et le remplissage avec de la « nouvelle » eau quasi-quotidiennement a probablement rendu l’équilibrage beaucoup plus difficile. L’eau purifiée est censée tourner ensuite en circuit fermé, mais les additions régulières d’eau « de l’extérieure » (traitée, donc), comportait par conséquent son lot d’agents pathogènes et agresseurs (on entend ici : extérieurs au biotope de la piscine).

Qu’aurait-il fallu faire pour une transition réussie ?

1) La règle probablement la plus importante : laisser au bassin le temps de s’équilibrer et de se défendre. Théoriquement, il est recommandé d’attendre environs trois mois avant de tremper ne serait-ce qu’un orteil dans un bassin naturel nouveau-né. Idéalement, il faudrait éviter de se baigner la première année.  Il faut savoir qu’un bassin naturel met en moyenne 3 ans à se stabiliser. Éviter la mise en eau au plus fort de l’été aurait sûrement été judicieux également.

2)  Scrupuleusement respecter les règles d’hygiène de base avant de se baigner et éviter à tout prix les crèmes solaires, parfums, résidus de gel douches : des composantes hautement toxiques pour un biotope fragile.

3) S’assurer que les pompes et filtres sont suffisants pour la quantité d’eau à traiter.

4)  Quelques autres conseils qui nous avaient été donnée et dont nous avons fait fi : un fond sombre (gris anthracite par exemple) pour le bassin de baignade aurait peut-être limité l’apparition d’algues.

Bilan : le bassin naturel, pouce en l’air ou pouce en bas ?

Malgré ces questions quotidiennes, les arrachages de cheveux, les heures passées à brosser le deck et les parois pour décoller les algues, à vider Nono le petit robot nettoyeur, les « on aurait dû », les « il ne fallait pas », cette transformation a été une très belle aventure collective !! Pour les points « cohésion » et « apprentissage », nous avons fait carton plein, et ne l’oublions pas, ce sont les deux principales raisons qui nous nourrissent dans le « vivre-ensemble ». Accessoirement, on a aussi tous adoré ce petit goût de nature, cette impression de se baigner dans un lac et de ne pas ressortir de l’eau avec des yeux de lapins russes. Se baigner dans une piscine non-chlorée, c’est TRÈS agréable.

Alors si c’était à refaire, on le referait, les maladresses en moins bien sûr, mais c’est ça aussi l’apprentissage ! Mais ajoutons que l’aventure est loin d’être terminée. Les travaux de nos maisons doivent commencer au printemps 2019 ; nous profiterons de cette phase pour changer le skimmer et les tuyaux d’évacuations. Espérons que cela aidera notre piscine l’été prochain ! Suite au prochain numéro !